Friday, December 26, 2008

Prologue : Balaam et son ânesse



Je veux vous raconter quelque chose.



ne riens vos voil conmencier,
Vous ne devez pas vous étonnez
si j'ai mis dans mon récit
que j'ai commencé sur Renart,
des propos sur d'autres personnes,
comme vous pouvez entendre là
au sujet de maître Renart et Ysengrin.
Nos voisins racontent en effet
qu'une ânesse qu'un prophète montait,
parlait jadis.
Je les ai entendu l'appelé Balaam,
c'est pourquoi je sais le nommer ici.
Bellaac, un roi, l'avait poussé
tant il lui avait promis et donné,
à maudire tout le peuple d'Israël
avec grand courroux et colère.
Notre Seigneur ne voulait pas le permettre,
il fit venir son ange au devant.
Avec son épée bien tranchante
il barra le chemin à celui-ci.
Le prophète piqua l'âne avec son aiguillon
par derrière sur la croupe,
il le forçait avec ses éperons,
et le frappait avec son licol.
L'âne n'osait pas avancer,
à force il finit par parler,
car Dieu voulait qu'il parle,
et il dit au prophète :
« Allez, fait-il, laisse moi tranquille,
Dieu ne me laisse pas avancer. »
Ce même Dieu, ainsi qu'il lui passe par l'esprit,
peut bien à cette heure accorder
aux bêtes sauvages de parler,
et rendre les usuriers généreux.


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Ne vos devez esmerveillier
Se j'ai mis en cest mien traitié
Que de Renart ai commencié,
Si con l'en parole d'autrui,
Con vos porroiz oïr encui
De dant Renart et d'Ysengrin,
Car ce content nostre voisin
Que une anesse parla ja
Que un prophete chevaucha :
Balaam l'oï apeler,
Por ce le sai ici nomer.
Bellaac un roi l'ot mené,
Tant li ot pramis et doné
Par mautalent et par grant ire,
Tout le pueple Israel maudire.
Nostre sire nel volt soufrir,
Son ange fist devant venir,
A une bien tranchant espee
La voie a a celui veee.
Cil point l'asne del aguillon
Par derriere sor le crespon,
Des esperons le destraingnoit,
Et du chevestre le feroit.
L'asne n'osoit avant aler,
Par force le covint parler,
Et Diex le volt qu'ele parla,
Et le prophete raconta :
Diva ! fait il, lesse m'ester,
Diex ne me lesse avant aler.
Cil Diex si li vient a plaisir,
Puet encore bien consentir
A parler les bestes sauvages,
Et les usuriers fere larges.
Les exploits de jeunesse de Renart
Les enfances Renart (1)

161-194 : Méon 201-234, Martin XXIV 179-212, FHS 161-194
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1 comment:

  1. Traductions à confirmer:
    1. (v. 161) "Une riens vos voil conmencier" = "Je veux vous raconter quelque chose"?
    2. (v. 165) "Si con l'en parole d'autrui" = "des propos sur d'autres personnes"?
    3. (v. 191) "si li vient a plaisir" = "ainsi qu'il lui passe par l'esprit"?
    4. (v. 192) "encore" = "à cette heure"?

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