Thursday, December 18, 2008

Renart et Hersent : l'explication de Renart




Voici, se précipitant à travers la broussaille,




z vos poignant par mi les broces
Ysengrin, qui arrive au beau milieu des noces.
Il ne parvient pas à se contenir;
avant de venir à eux
il crie alors haut et fort :
« Renart, Renart, tout doux,
par les saints du ciel, vous m'avez déshonoré. »
Renart est vif et rapide,
et il lui dit tout en s'en allant :
« Seigneur Ysengrin, ai-je gagné cette colère
pour mes bons et loyaux services ?
Voyez comme Hersent est prisonnière ici;
ainsi je l'aide à se délivrer
et à la retirer de ce trou,
et pour ça vous êtes tout effrayé !
Par Dieu, cher seigneur, ne croyez pas
que je lui ai fait la moindre chose,
ni soulevé ses vêtements ni retiré sa culotte.
Je le jure sur mon corps et sur mon âme;
je n'ai rien fait de mal à votre femme.
Et pour nous défendre, elle et moi,
là où vous voudrez bien l'accepter,
je vous le jurerai sous serment
avec l'assentiment de vos meilleurs amis.
— Un serment ! Traitre convaincu,
en vérité, vous vous protégez en vain.
N'imaginez plus de mensonges,
ni de vaines paroles ou autres inventions,
aucune excuse n'est convenable,
ce qui est arrivé est complètement évident.
— Eh là !, lui dit Renart, cher seigneur,
vous pourriez me parler beaucoup mieux,
vous ne devriez pas soutenir cela.
— Comment ? Ai-je les yeux crevés ?
Croyez-vous que je n'y vois goutte ?
Dans quel pays enfonce-t-on et pousse-t-on
une chose qu'on veut tirer vers soi,
comme je vous ai vu faire à Hersent ?
— Ma foi, seigneur, lui dit Renart,
vous savez que ruse et habileté
valent mieux pour protéger quelque chose,
quand on ne peut pas le faire avec la force.
Hersent est prise dans ce terrier,
mais elle est vraiment lourde et grosse;
je ne peux en aucune manière la tirer de là
à reculons par ce trou.
Elle y est entrée jusqu'au ventre,
et le terrier a une ouverture étroite.
Mais il est plus large plus loin,
c'est pourquoi je voulais la pousser dedans.
De plus, la tirer vers moi serait vain
car je me suis cassé la jambe l'autre jour.
Vous avez à présent entendu la vérité,
vous devez maintenant me croire,
à moins que vous ne vouliez imaginer
quelque prétexte comme vous avez coutume.
Et quand la dame sera tirée de là,
je ne crois pas qu'une plainte soit déposée;
jamais, si elle ne souhaite pas mentir,
vous ne l'entendrez proférer un mot. »
Sur ces paroles il rentre dans sa tanière
après s'être bien défendu.
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Ysengrin qui s'enbat es noces :
Ne se pot mie tant tenir
Que il poist a aus venir,
Ainz s'escria moult hautement,
Renart, Renart, tot belement,
Par les Sainz Dieu mar m'i honistes.
Renart fu remuenz et vites,
Si li a dit tot en alant,
Sire Ysengrin, cest mautalant
Ai ge conquis par bel servise,
Veez con Hersent est ci prise;
Se je l'aïde a delivrer
De cest pertuis et a oster,
Por ce si estes esfraez.
Por Dieu, biau sire, ne creez
Que nule riens li aie fete,
Ne draz levez ne braie trete,
Ains par cest cors ne par ceste ame
Ne forfis riens a vostre fame,
Et por moi et por lui desfandre
Par tot la ou le vodroiz prendre,
Un sairement vos aramis
Au los de voz meillors amis.
Sairement! traïtres provez,
Voir por noient vos en covrez
Ne controverez ja manconge,
Ne vaine parole, ne songe,
N'i convient nule coverture,
Tote est aperte l'aventure.
Avoi, ce dist Renart, biau sire,
Vos porriez assez miex dire :
Ice maintenir ne devez.
Comment ai ge les iauz crevez ?
Quidiez que je ne voie goute ?
En quel terre enpaint l'en et boute
Chose que l'en veut a soi traire
Con je vos vi a Hersent faire ?
Par foi, sire, ce dist Renart,
Vos savez qu'en engin et art;
Si vaut a chose mainbornir
Qu'en ne puet a force fornir.
Hersent est prise en ceste fosse
Qui moult est voir espese et grouse;
En nul sens traire ne l'en puis
A reculons par cest pertuis.
Ele i est jusqu'au ventre entree,
Et la fosse a petite entree,
Mes elle est de lonc auques graindre,
Por ce la voloie enz enpaindre.
Mes por noient a moi la sache,
Que j'oi l'autrier la jambe qasse.
Or en avez oï la voire,
Si m'en devez a itant croire,
Se vos controver ne volez
Achoison con fere solez.
Et qant la dame ert de ci traite,
Je ne cuit clamors en soit faite,
Ne ja, s'ele ne velt mentir,
Ne l'en orrez un mot tentir.
A icest mot s'est entesniez
Qant se fu assez deresniez.
Les exploits de jeunesse de Renart
Les enfances Renart (1)

579-640 : Méon 617-678, Martin II 1297-1358, FHS 579-640
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1 comment:

  1. Traductions à confirmer:
    1. (v. 582) "Que il poist a aus venir" = "avant de venir à eux" ?
    2. (v. 597) "Ains par cest cors ne par ceste ame" = "Je le jure sur mon corps et sur mon âme" ?
    3. (v. 608) "aperte " = "évident" ?
    4. (v. 622) "espese" = "lourde" ?
    5. (v. 627) "de lonc auques graindre" = "plus large plus loin" ?
    6. (v. 634) "Achoison con fere solez" = "quelque prétexte comme vous avez coutume" ?

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